A propos d'une initiative syndicale
pour le moins hasardeuse.
Pris connaissance de l’initiative prise par la CGT de participer le 20 juin à la bourse du travail de Paris concernant l'Ukraine. Ce texte n’a qu’une vertu : il permet de mesurer les dégâts qu’on fait des années d’abandon de toute réflexion internationaliste d’un point de vue de classe et l’adossement à l’idéologie portée par la partie occidentale des impérialismes en conflit. Dans ces affrontements, au final, ce sont toujours les oligarques et le capital des camps en présence qui tirent les marrons du feu et toujours les peuples qui remplissent les cimetières.
S’il n’est pas question ici de disculper Poutine et sa politique d’agression militaire, comment se ranger derrière des organisations politiques voire syndicales ukrainiennes qui ont engagé la partie mondialement visible de leur activité par des massacres de syndicalistes et combattent toutes les références à la lutte contre la barbarie Nazie? Comment la CGT et son histoire peut-elle se retrouver à soutenir une organisation impérialiste militaire, l’OTAN, dont elle a demandé la dissolution depuis sa création en résonance active avec tous le camp progressiste et pacifiste ?
Faut-il pour combattre Poutine et ses mercenaires de chez Wagner s'aligner derrière les bandéristes, les bataillons Azov, le FMI et le Pentagone ?
Comment peut-on ici, sans riposte organisée, laisser la France servir de fournisseur majeur de matériels militaires et, est-ce le rôle des O.S. de notre pays, collecter pour fournir "(radiateurs, générateurs, vivres, matériel de soin et d’hygiène, …)" (sic) qui seront pris en main à l’arrivée, la CES s’y emploie, par les autorités ukrainiennes ? Les ressorts de la solidarité pour payer une assistance ciblée quand le gouvernement finance depuis les budgets de l’État les marchands de canons qui se gavent du sang versé sur les rives du Dniepr, gouvernement qui n’engage aucune démarche humanitaire pour protéger les populations civiles.
Voilà où conduit le refus de mettre à plat à l’occasion de nos congrès l’examen de ce que doit être un véritable syndicalisme de classe au plan international. Pas un alignement derrière telle ou telle organisation, lesquelles disposent matériellement et idéologiquement de cordon ombilicaux avec les régimes portant la répression antisociale destructrice des hommes et de la planète.
Non, cette déclaration n’est pas digne de la CGT et de son histoire. Rappelons que dans son préambule la CGT affirme : "Elle agit pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, les libertés et les droits syndicaux, le plein exercice de la citoyenneté, la défense de l’environnement, pour la paix et le désarmement, pour les droits de l’homme et le rapprochement des peuples. "
Comment dire "l’Ukraine de demain doit devenir un exemple de démocratie fondée sur le respect des droits sociaux et des libertés syndicales. Cette perspective ouvre de nombreux chantiers, notamment en droit du travail"(déclaration commune pour ce 20 juin) alors qu’aujourd’hui ces droits n’existent pas et que c’est aujourd’hui que via AZOV les revanchards fascistes de Bandéra au pouvoir, alibi de Poutine pour justifier son agression, traquent les militants et relances des campagnes racistes et antisémites ?
Pourquoi cette "solidarité" unilatérale ? Certes, dans des conditions différentes, mais le peuple russe soumis à l’oligarchie du régime ne subit-il pas les effets du militarisme du pouvoir poutinien ? Les libertés syndicales déjà plus que rudoyées maintenant soumises aux impératifs de guerre ne sont-elles pas là aussi à défendre ? Doit-on comme le fait la CGT avec ses déclarations se mettre via la CES et la CIS derrière l’OTAN et avoir une solidarité encadrée par celle-ci ? Est-ce cela dont le monde du travail à besoin ? Cela aide-t-il les salarié-e-s de notre pays à y voir clair ? À coup sûr NON !
Est-ce agir pour la paix et le désarmement que de soutenir une alliance militaire armant des milices authentiquement fascistes au nom de la lutte contre un agresseur oligarchique belliqueux usant de mercenaires ? À coup sûr NON !
Pourtant, notre histoire sociale n’est pas avare d’exemples sur ce que peuvent produire ce genre de dérives. L’union sacrée et le rôle déterminant de la CGT et de son principal dirigeant d’alors dans l’engagement dans la boucherie de la Première Guerre mondiale est là pour nous le rappeler.
Le plus souvent, lorsque les repères s’effondrent, la route mène via des chemins des dames à des nécropoles et cimetières militaires. L’Histoire contemporaine montre qu’ elle est aussi bordée par des Babi-Yar et Rawa-ruska ou Buchenwald, à des des Oradour, Vel d'hiv et Mont Valérien ; au 21e siècle en Ukraine au massacre de la Maison des syndicats d'Odessa. Il est urgent de se ressaisir.