Canaille le Rouge reprend ci après un article mis en ligne par El Diablo.
Son intérêt est double.
D'une part montrer que la résignation recule et va exiger coordination de la part de tous ceux qui visent à l'unité d'action non pas à partir de la mutualisation des sigles mais le rassemblement autour des contenus revendicatifs ; d'autre part éclairer sur ce que sur ses p@ges La Canaille ne cesse de rappeler : l'horizon électoral n'est pas la seule ligne brune, rose ou bleue offerte au monde du travail et que si rouge elle est, la ligne ne demande qu'à être franchie pour être efficace.
Les rendez vous nationaux annoncés par la CGT y participent de bonne façon mais vont exiger continuité et amplification.
La clarification en cours sur les positions des Lucky Luc du stylo à ratifier les reculs y aide.
Mais encore faudrait-il encore que ceux qui se parfument de vouloir électoralement en porter l'intérêt des travailleurs mesurent bien ce que cette combativité recèle pour la construction d'une réelle alternative qui nous extrait du piège de l'alternance ou du dérapage fasciste.
A voir les débats publics, les échanges oraux là où leur militants tentent de se faire entendre, sur les réseaux sociaux ou de sociaux ne domine que la Haine et le social démocratie, ils ont encore du chemin à faire tant le quotidien de ceux qui entrent en lutte passe au second plan des débats.
A coup sûr la montée des luttes serait (sera?) un ferment positif pour modifier les choses.
SEMAINE DU LUNDI 13 FÉVRIER AU VENDREDI 17 FÉVRIER 2017 :195 CONFLITS DU TRAVAIL PAR JOUR EN MOYENNE CONTRE 176, 245, 150 ET 115 LES SEMAINES PRÉCÉDENTES
C'est un niveau historiquement très élevé et qui progresse toujours régulièrement. Les deux semaines avec 245 et 150 conflits, il y avait des journées nationales d'action qui gonflent les chiffes, alors que les chiffres de 195 et 176 pour les deux dernières semaines s'est fait sans journée nationale d'action. C'est un record sur les 5 années précédentes depuis que nous essayons de mesurer la conflictualité sociale.
NOTE DE CONJONCTURE
Cette progression régulière du nombre de conflits à un niveau très élevé fait que l'écart grandit entre la représentation politique ou électorale à mille lieux des préoccupations populaires et cette colère sociale qui n'est représentée par personne.
Cette colère sociale pourrait donc rapidement chercher et trouver une expression publique. L'élimination du jeu électoral de Hollande, Sarkozy, Valls et maintenant peut-être Fillon, les scandales à répétition autour des politiciens et les « émeutes » des jeunes de quartier de ces derniers jours autour du viol de Théo par la police, sont certainement les premières manifestations indirectes de cette colère.
La conflictualité sociale va probablement encore augmenter en mars avec déjà de nombreuses journées nationales d'action prévues ce mois et notamment les 6, 7 et 8 mars.
On pourrait donc avoir des élections présidentielles et législatives fortement perturbées. Le fait qu'un certain nombre de militants syndicalistes autour des Goodyear appelle à manifester le 22 avril pour que la rue impose son programme la veille du premier tour, dans le cadre d'un « premier tour social », illustre la perte d'emprise du jeu électoral et des partis traditionnels sur les classes populaires. Jusqu'à présent, cette perte d'influence se traduisait par l'abstention ouvrière. C'est peut-être en train de changer ; l'action autour des Goodyear pourrait bien bousculer tout cela et faire que les classes populaires et leurs militants passent de l'abstention électorale et du dégoût à la participation active dans la rue et à l'espoir. Ce qui serait un changement considérable.
LES LUTTES
C'est dans le secteur de l'éducation nationale suivi de celui de la santé et maintenant de l'énergie que l'on compte le plus de conflits pour les dernières semaines.
Education Nationale:
La lutte des Atsem et la « carte scolaire » (avec son cortège de fermetures de classes et diminutions d'heures) a contribué ces trois dernières semaines à faire monter le chiffre de luttes dans l'éducation nationale malgré les vacances de février. C'est traditionnel chaque année. Mais il est bien possible – bien que nous ne l'ayons pas mesuré – que cette année soit en train de battre aussi des records.
Santé:
Le secteur de la santé en est pour ces trois premières semaines de février à 113 établissements de santé touché par un conflit du travail. C'est-à-dire plus que pour l'ensemble du mois de décembre (78) et pas loin du record de janvier avec 144 établissements touchés.
Energie:
A EDF, depuis le 17 janvier il y a eu 7 journées nationales d'action pour les salaires et la défense des acquis sociaux, qui ont été toutes très suivies. C'est maintenant une journée d'action tournante par semaine que suivent les agents de EDF, Engie, Enedis, Grdf..., les « mardi de la colère ». Menant jusque là leurs luttes de manière isolée, ils ont décidé de s'associer à la journée de la santé du 7 mars, qui s'est par ailleurs élargie entre temps à une bonne parie de la fonction publique
Public-privé:
Nous notions la semaine passée que dans l'ensemble, c'était surtout la fonction publique qui était en lutte, en prévoyant cependant une montée des luttes dans le privé contre l'application de la loi travail mais surtout autour des salaires ;
C'est ce qui en train de se passer. Et ce qui est notable, c'est qu'au delà des débrayages symboliques traditionnels autour des NAO, on assiste à l'émergence d'un certain nombre de luttes longues sur les salaires. Il est encore trop tôt pour dire si les luttes longues et victorieuses sur les salaires ces derniers temps dans le secteur des Grands Hôtels, des cliniques privées ou du nettoyage sont en train de s'étendre à des secteurs plus larges dans le transport, la métallurgie, la chimie... On verra ; mais si c'était le cas, ce serait aussi un changement important, car on passerait de luttes dans des secteurs aux salaires très bas, ce qui au fond n'était que du rattrapage et des secteurs aux salaires plus élevés, ce qui traduirait que les salariés lassés de l'étalage des bénéfices et dividendes énormes et en même temps du blocage des salaires, veulent un autre partage des richesses. Ce serait un changement d'état d'esprit qui pourrait rejoindre alors celui que nous notions plus haut de ras-le-bol devient général mais aussi de reprise d'un espoir de transformation sociale.
SIGNIFICATION ET UTILISATION DES CHIFFRES
Pour revenir aux chiffres et si l'on prend le chiffre de 195 conflits par jour de cette dernière semaine pour en faire une moyenne annuelle sur environ 260 jours ouvrables (pour des semaines de 5 jours) on arrive à un total d'environ 50 700 luttes.
Ce qui est déjà important.
Mais dans une étude, le CNRS estimait qu'entre seulement 20 et 50% des grèves étaient publiées par la presse. Si l'on prend cette estimation, on arrive donc à un total projeté sur l'année avec le même mode de calcul de 390 à 975 conflits par jour et de 101 400 à 253 500 conflits par an.
Ce qui est considérable.
Bien évidemment, ce calcul est très approximatif et n'a rien de scientifique.
Il permet cependant de donner un ordre d'idée de l'importance actuelle de la conflictualité sociale en France et de ces évolutions. Et cela nous met très loin de ce qu'a publié en ce début d'année le Figaro – et derrière lui, toute la presse - qui recense seulement 800 grèves au total pour toute l'année 2016. Ce chiffre du Figaro comme les statistiques du ministère du travail qui vont dans le même sens, n'ont qu'une valeur de propagande pour tenter de démontrer que les gens ne se battent pas et qu'il ne sert à rien de le faire ; il alimente donc tout ce que disent en général les grands médias comme les hommes politiques.
Les chiffres que nous donnons ont la signification exactement inverse : les gens se battent, résistent en nombre, sont très nombreux à ne pas se laisser faire, ne baissent pas les bras et, bien souvent, gagnent.
Ces chiffres ne sont encore une fois que des approximations très imprécises. Cependant, ils sont certainement bien plus proches de la réalité que ceux donnés non seulement par les grands médias mais aussi ceux donnés par le ministère du travail. Celui-ci, rappelons-le, fonde ses statistiques sur les déclarations de grèves des patrons eux-mêmes (en oubliant au passage la fonction publique). Ce qui est aussi peu fiable que de demander à un dictateur de quantifier la torture dans son pays.
On peut très légitimement penser qu'il y a en fait beaucoup plus de luttes que ce que nous mesurons ici. En effet, d'une part notre recensement ne se fait pas sur la totalité de la presse quotidienne mais seulement sur les grands quotidiens régionaux en ligne et d'autre part nous ne recensons pas les multiples actions invisibles de résistance à l'exploitation quotidienne des salariés, personnelles et collectives ; débrayages, grèves du zèle, boycotts, délégations, réunions voire même une partie des maladies qui sont aussi un moyen de se défendre pour certains.
SOURCE: