Et pourtant elle est en résonnance
avec aujourd'hui
et en consonnance
avec la question de la place
dans la société
des producteurs de richesses
Musique d'Hector Berlioz
texte de Jules Janin (un Saint Simonien).
On connait Honegger et sa Pacific 231, on connait "les routes d'acier" le film commandé par la Fédération CGT des cheminots en 1937 sorti en 38 et dont la musique est de Germaine Tailleferre.
Ce qui suit n'est pas de cette veine, n'est ni un hymne à la lutte ou une ode à un hypothétique Front Populaire, c'est même, pour les paroles, un tantinet pompier.
Passé à Canaille le Rouge par un ami, cette cantate pour ténor solo, chœur et orchestre a été composée en juin 1846.
Un morceau qui témoigne en quoi les cheminots sont dans le panthéon social de la France depuis le début de la révolution industrielle et d'entrée y tiennent une place incontournable.
D’après sa correspondance, Berlioz l’aurait composée dans l’urgence en trois nuits, interrompant l’écriture de La Damnation de Faust.
Deux lectures de l’événement sont possibles.
La première, façon presse people :
La cantate est commandée pour l'inauguration de ligne du 13 au 16 juin 1846 La ligne Paris Lille est achevée en totalité et inaugurée avec faste. Les plus hautes personnalités de l'époque sont présentes, dont deux des fils du roi, Nemours et Montpensier, Odilon Barrot, Berlioz et son orchestre, Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Victor Hugo, Ingres, Lamartine ou encore Mérimée. La Compagnie du Nord lance pas moins de trois mille invitations. "Les célébrations de l'inauguration se déroulent dans l'enthousiasme général, du 13 au , de Paris à Bruxelles" (la presse).
Un magnifique banquet est organisé à Lille, avec 1 700 convives et 28 300 assiettes, transportées depuis Paris.
Berlioz qui a voyagé dans le train inaugural a passé huit jours à Lille et dirigé le chant des chemins de fer et à la même occasion le final de sa Symphonie funèbre et triomphale à la tête d’un orchestre militaire de 150 instrumentistes à vent et de chanteurs du conservatoire de Lille.
Berlioz avait demandé que l’accord final soit ponctué d’une canonnade qui n'a pu avoir lieu
La seconde lecture en regardant l'histoire sociale.
En bas de page, après la vidéo, les paroles ...Bon d'accord ce n'est avec ça qu'on prendra d'assaut les nouvelles Bastilles.
Ensuite ce n'est pas avec dieu et le roi que cela conduira à la grève qui est réprimée et le syndicat encore pour quarante ans interdit. Mais... en 1846, deux ans avant les journées de 48 qui vont faire définitivement tomber la monarchie et instaurer la 2e République, Journées révolutionnaires qui vont installer dans le paysage politique ces ouvriers qui se construisent en classe, 2 ans avant le manifeste communiste, voir un compositeur comme Berlioz qui dans une oeuvre de commande parle d'ouvriers, c'est une nouveauté quasi subversive qui quelque part porte en signe la chute imminente de Louis Philippe.
En n'oubliant pas que l'orchestration de la Marseillaise la plus révolutionnaire, celle interdite par Pétain et que Giscard a voulu transformer en sorte de barcarolle à l'eau de rose, est celle de Berlioz.
les paroles ...sans commentaires:
C’est le grand jour, le jour de fête,
Jour du triomphe et des lauriers.
Pour vous, ouvriers,
La couronne est prête.
Soldats de la paix,
C’est votre victoire ;
C’est à vous la gloire
De tant de bienfaits.
Les cloches sonnent dès l’aurore,
Et le canon répond sur les remparts.
Sous l’oriflamme tricolore
Le peuple accourt de toutes parts.
Que de montagnes effacées !
Que de rivières traversées !
Travail humain, fécondante sueur !
Quels prodiges et quel labeur !
Les vieillards, devant ce spectacle,
En souriant descendront au tombeau,
Car à leurs enfants ce miracle
Fait l’avenir plus grand, plus beau.
Les merveilles de l’industrie
Nous, les témoins, il faut chanter
La paix ! Le Roi ! L’ouvrier ! La patrie !
Et le commerce et ses bienfaits !
Que dans les campagnes si belles
Par l’amitié les peuples plus heureux
Élèvent leurs voix solennelles
Jusqu’à Dieu caché dans les cieux !
Vous aviez été prévenus, il y a à prendre et à laisser, mais....