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Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

Mandela (suite encore) : fallait-il qu'ils en aient des choses à se faire pardonner pour jouer les chenilles processionnaires.

Publié le 18 Décembre 2013 par Canaille Lerouge in Coup de gueule, Mémoire et Histoire;

Si en plus le prénom de dieu, c'est Karl, où va-t-on ?

Si en plus le prénom de dieu, c'est Karl, où va-t-on ?

 


L'ami Jean a mis en ligne ce jour un article d'Ivan DU ROY que Canaille le Rouge s'empresse de reprendre pour le mettre à votre disposition.http://canempechepasnicolas.over-blog.com/


Voilà qui doit ramener à de plus justes proportions les larmes de crocodiles versées autour du cercueil de Mandela.


Si des militants, bien intentionnés par ailleurs, s'interrogent de savoir pourquoi prendre, voire pour certains perdre, du temps pour aller jeter un œil dans le rétroviseur de l'histoire, voilà de quoi donner un éclairage de la lumière la plus crue sur la question à partir des pleureurs aux larmes de crocodile qui, comme fêlés du Burger King à St Lazare, faisaient la queue derrière le catafalque de Madiba.


Sûr que s'il avait pu voir cela, il se serait tordu de rire.


La Canaille se plait à rêver, si l'au-delà ci-dessus existait, penchés par-dessus la balustrade de leur paradis, au coté de leur pote Nelson, Joe Slovo, Steve Biko, Ruth First, Benjamin Moloïse, Myriam Makeba, Dulcie September et combien de dizaines de milliers d'autres anonymes, pliés de rire à voir en bas, parmi la foule de leurs amis historiques, la cohorte des cloportes piaffant à la porte d'un Panthéon qui leur est à jamais interdit : celui des hommes et des femmes combattants de la Liberté et de l'Humanité.


Graver à son fronton la maxime qui, barons du capital, connétables des miradors, vous interdit d'avancer : "que nul n'entre ici s'il n'est démocrate" Blummollet sautant derechef dans son Jet pour passer la nuit à Bangui.


Imaginez un Malraux au micro disant "RRReste dehooors Saarkozy ...Et vous aussi Plantaaagenet, Maisoon d'Oraaange, de Monacooo et consorts, vous dont chaque diamant des parures et symboles monarchiques est une larme, chaque rubis du sang de ceux... qui vous ont imposé ce recul majeur qui vous amène au Cap aujourd'hui".

 

"Dégagez barons de l'uranium et des pierres précieuses, collabos du BTP et des usines d'armement, banquier de l'apartheid".


Imaginez un Saint Just faisant le tri tandis que Toussaint Louverture discute avec Lumumba de ce "oui, le Bonheur doit aussi être une idée neuve en Afrique".


Lisez et diffusez ce texte. Un des moyens pour un syndicaliste, pour un militant de l'égalité et de l'espoir de savoir. Moyen de s'interroger ce qu'il faut savoir, de réfléchir à comment utiliser, et pourquoi faire ce savoir.

 

Quand la France et ses grandes entreprises investissaient dans l’apartheid

 

PAR IVAN DU ROY 10 DÉCEMBRE 2013

 

 

Une classe politique unanime, des médias focalisés sur la commémoration « planétaire » : les funérailles de Nelson Mandela suscitent l’union sacrée autour du combat que le militant de l’ANC a incarné. Pourtant, quand Nelson Mandela est jeté en prison à perpétuité, il n’en était rien.

La France et ses grandes entreprises sont l’un des plus fidèles soutiens au régime raciste de Pretoria, lui vendant armements, centrales nucléaires et technologies industrielles, tout en contournant allègrement les sanctions des Nations Unies.

A l’époque, les protestations étaient bien rares.

1964. La condamnation de Nelson Mandela à la perpétuité laisse les grandes puissances occidentales indifférentes. Et n’émeut pas grand monde. 1964, c’est aussi l’année où la France du général De Gaulle intensifie ses relations commerciales avec l’Afrique du Sud. En une décennie, les exportations hexagonales, hors vente d’armes, vers le régime de l’apartheid vont être multipliées par trois, pour atteindre en 1973 plus d’un milliard de francs de l’époque. En y ajoutant les ventes d’armes et de matériel militaire, la France devient alors le deuxième fournisseur étranger du régime raciste, derrière le Royaume-Uni mais devant les États-Unis et l’Allemagne de l’Ouest. Un « fournisseur stratégique », critiquent, à l’époque, les organisations non gouvernementales.

85 entreprises françaises opèrent alors en Afrique du Sud. Et y investissent massivement. La Compagnie générale d’électricité et ses filiales, ancêtres d’Alcatel et d’Alstom, fournissent du matériel pour les chemins de fer ou la production d’électricité et y fabriquent des téléviseurs (Thomson). Renault et Peugeot vendent leurs moteurs à plusieurs usines. La famille Wendel, acteur majeur de la sidérurgie française (actionnaire d’Usinor, qui deviendra ArcelorMittal), s’y approvisionne en charbon pour alimenter ses aciéries. Des groupes du BTP – notamment Dumez, qui deviendra plus tard une composante du groupe Vinci, et Spie Batignolles – y construisent des terminaux portuaires, des barrages hydroélectriques, et des autoroutes, comme celle de Johannesburg. La Compagnie françaises des pétroles, qui deviendra Total en 1991, possède d’importantes participations dans les raffineries sud-africaines, et s’est associée à Shell et BP pour forer au large du Cap.

Une centrale nucléaire au service de « l’économie blanche »

EDF et Framatome – intégrée ensuite dans Areva – érigent même la première centrale nucléaire sud-africaine ! « En 1976 la France a signé un contrat pour la construction de la centrale atomique de Koeberg, s’engageant par ailleurs à former une centaine d’ingénieurs et techniciens pour la maintenance de la centrale. Les banques françaises Crédit Lyonnais et la Banque d’Indochine et de Suez [désormais filiale du Crédit Agricole, ndlr] fournirent 82% des capitaux », détaille à l’époque l’écrivaine sud-africaine anti-apartheid Ruth First, assassinée sur ordre d’officiers afrikaners en 1982 [1].

Si les affaires vont bon train, et que des grandes entreprises françaises privées comme publiques investissent massivement en Afrique du Sud, c’est que le régime de l’apartheid et son « économie blanche » fournissent une main d’œuvre « abondante et peu coûteuse » : les Noirs. « II est vrai qu’il y a des Noirs qui travaillent pour nous. Ils continueront à travailler pour nous pendant des générations, même si l’idéal serait de nous en séparer complètement (...). Mais le fait qu’ils travaillent pour nous peut ne jamais leur permettre de revendiquer leurs droits politiques. Ni maintenant, ni dans le futur, ni dans aucune circonstance », déclare en avril 1968 le Premier ministre de l’époque, John Vorster. État et patronat français savent donc pertinemment dans quel système ils placent leur argent.

Main d’œuvre abondante et travail forcé

« Un système indirect de travail forcé », évoque sobrement l’Organisation internationale du travail (OIT), qui exclut de son sein l’Afrique du Sud en 1964 [2]. Deux codes du travail distincts, un pour les Blancs, un pour les Noirs, interdiction aux ouvriers noirs de participer aux négociations collectives, refus de reconnaître leurs syndicats, répression violente des grèves des ouvriers africains…

Telles sont les caractéristiques de « l’économie blanche » et sa manière de traiter la main d’œuvre noire.

En 1975, un ouvrier noir des mines de charbon, auprès desquelles s’approvisionne la sidérurgie lorraine, perçoit un salaire dix fois inférieur à celui d’un ouvrier blanc. Dans la construction ou l’industrie, où sont présents plusieurs grands groupes français, le salaire d’un Noir est cinq fois inférieur à celui d’un Blanc.« L’apartheid aboutit à ce que les travailleurs africains souffrent d’une double oppression : comme Africains, ils souffrent de la discrimination inhérente au système de l’apartheid qui institutionnalise leur subordination ; comme ouvriers, ils souffrent de la surexploitation de leur travail imposée par le contrôle étatique presque absolu de la détermination des salaires des Noirs, base économique du système », décrit Ruth First. Et ce, grâce aux investissements étrangers qui contrôlent alors 80% de l’activité productive sud-africaine, en particulier l’industrie minière et aurifère.

 

Pour se défendre, investisseurs et grandes entreprises prétendent jouer un « rôle réformateur » en Afrique du Sud. Du fait du manque de main d’œuvre, de nouveaux emplois ne s’ouvrent-ils pas aux Noirs ?

L’émergence d’une main d’œuvre noire qualifiée, base d’une future classe moyenne, n’est-elle pas indispensable pour assurer de nouveaux débouchés aux produits de consommation ? Le pasteur états-unien Leon Howard Sullivan symbolise cette démarche. Premier afro-américain à siéger au Conseil d’administration d’une grande entreprise (General Motors), il propose un code de conduite aux sociétés états-uniennes installées en Afrique du Sud : égalité salariale entre Noirs et Blancs, abolition de toute ségrégation au sein de l’entreprise, liberté syndicale, participation des employés noirs aux négociations collectives… Les prémices d’une « responsabilité sociale des entreprises » ?

En 1978, une centaine d’entreprises nord-américaines, sur les 500 présentes, annoncent avoir adopté ce code de conduite. Cinq ans plus tard, Sullivan reconnaît que ses principes « ont commencé à faire effet, mais n’ont pas obtenu les résultats souhaités assez rapidement ». Et appelle la Maison Blanche à rendre obligatoire ce code de conduite, à sanctionner fiscalement les firmes récalcitrantes et à les exclure des marchés publics. En France, aucune voix ne s’élève au sein des direction des grands groupes, y compris publics.

En France, les anti-apartheid sont bien isolés

Dans les pays anglo-saxons, d’importantes campagnes de boycott commencent à viser les multinationales présentes en Afrique du Sud, telles Shell ou Coca-Cola. La politique d’apartheid est « moralement indéfendable » reconnaîtra, en 1986, un porte-parole de Shell, tout en déplorant que le boycott qui vise les stations-service est « injuste et erroné » [3]. Rien de tel en France.

Paris, premier fournisseur d’armes de l’État raciste

1964, c’est aussi l’année où la France devient le principal fournisseur d’armes du régime sud-africain. Après avoir été réticente à toute sanction, aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis, la France ne s’est pourtant pas opposée un an plus tôt au vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu recommandant un embargo sur les armes, en 1963.

Mais la résolution n’est pas contraignante. Un an plus tard, alors que le Parti travailliste arrivé au pouvoir au Royaume-Uni y impose un embargo sur les armes, l’État français prend le relais.

En 1971, Dassault vend à Pretoria des technologies et licences lui permettant de fabriquer des avions de combat « anti-insurrectionnels », le prototype Mirage-Milan, pour mieux réprimer les actions de guérilla de l’ANC. Entre 1970 et 1975, 48 Mirage F1 sont exportés vers l’Afrique du Sud, ainsi que pléthore d’hélicoptères (Alouettes, Frelon, Puma), de blindés légers ou de missiles. Dassault, Matra (groupe Lagardère), Panhard (racheté par Renault), Turbomeca (groupe Safran) et la Société nationale industrielle aérospatiale (aujourd’hui EADS) sont à la pointe de ce juteux commerce avec l’État raciste. « La France accepte de fournir pratiquement n’importe quel type ou montant d’armes à l’Afrique du Sud, sans tenir compte des restrictions officielles habituellement imposées », commente le Comité spécial des ONG sur les Droits de l’Homme, à Genève, en 1974 [4].

 

Le 16 juin 1976, des milliers d’élèves de la banlieue noire de Soweto (Johannesburg) manifestent contre la ségrégation scolaire. La manifestation est brutalement réprimée. « Dans un premier temps, les policiers lâchent les chiens sur la foule. Ensuite, pour amplifier la panique, ils lancent des grenades lacrymogènes, avant de tirer à balles réelles », relate le journaliste de Jeune Afrique Tshitenge Lubabu. Bilan : au moins 575 morts.

Un an plus tard, l’Onu vote enfin un embargo contraignant. Qu’importe ! « L’Afrique du Sud a déjà acheté ses armes dont une cinquantaine de mirage F1 ; seul le programme de la marine de guerre reste à compléter : or, c’est précisément dans ce domaine que l’arrêt des ventes d’armes semble ne pas être appliqué », commente un organe de presse du Parti national, au pouvoir. Le régime raciste tiendra encore 15 ans.

Amnésie bien française

« Loin d’être un obstacle à la croissance économique de l’Afrique du Sud, le capitalisme racial — l’apartheid — est la cause des taux de croissance extraordinaires de cette économie. De plus, l’accroissement de l’investissement étranger a eu pour effet non de changer le système mais de le renforcer », estimait Ruth First, en 1979.

L’Histoire lui donnera raison. Entre l’emprisonnement à vie de Nelson Mandela et son élection comme premier Président d’une Afrique du Sud démocratique, trois décennies seront nécessaires.

Aux Etats-Unis, des procédures lancées par des victimes de l’apartheid contre plusieurs grandes firmes (General Motors, Ford Motor Company, IBM, Daimler et l’allemande Rheinmetall) sont encore en cours.

En Suisse, une plaie s’est rouverte avec la mort de Mandela : plusieurs banques, comme le Crédit suisse et UBS, avaient continué d’investir dans le régime de l’apartheid sans être sanctionnées. « C’était la guerre froide. L’Union soviétique faisait tout pour mettre la main sur l’Afrique du Sud, un pays stratégique avec la ville du Cap qui contrôle une importante route maritime. Le but de notre groupe était d’empêcher que l’Afrique du Sud ne tombe entre les mains communistes », se justifie aujourd’hui le leader suisse d’extrême droite Christoph Blocher. La France, elle, a pour l’instant oublié ce sombre passé, pas si lointain.

Ivan du Roy

 

Notes

 

[1] Emprisonnée, puis bannie d’Afrique du Sud, elle s’exile à Londres en 1964 puis s’installe au Mozambique où elle reçoit une lettre piégée le 17 août 1982. Son article « La filière sud-africaine. L’investissement international dans l’apartheid », publié dans la revue Tiers-Monde en 1979 est accessible [sur le portail des revues scientifiques Persée estaccessible sur le site de la revue Persée.

[2] Voir la déclaration de l’OIT du 8 juillet 1964.

[3] Source : Los Angeles Times.

[4] L’article, publié dans la revue Tiers-Monde en 1979 est accessible sur le portail des revues scientifiques Persée.

 

Les parties en gras sont du fait de La Canaille

 

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