Les chiens ne font pas des chats.
Un quasi millénaire d'antisémitisme
et de répression sociale
toujours liées ou en contrepoint l'une l'autre
À partir des propos négationnistes de la dirigeante du f-haine sur les responsabilités historiques de la rafle du Veld’Hiv, retour sur des affirmations à préciser de la persécution par raisons racisto-religieuses des Juifs en France.
Juifs en France et non de France, car tous ceux relevant de cette catégorisation entretenue durant tout le 19e siècle par la réaction ultra catholique, citoyens français ou non-présents sur le territoire de l’Empire en ont été victimes, avec des « arrangements » liés à la nature de classe de cette répression
Notons que ce combat anti-juif est consubstantiel à l'histoire de la réaction monarchique et sa volonté de revanche sur la Révolution Française dès la Restauration. Le statut de citoyen lié au droit du sol dont ils bénéficient leur ouvrant tous les droits républicains étant concrétisation des Lumières un des pivots de l’état issu de la Révolution, opposé au droit du sang par essence aristocratique assurant la transmission des privilèges et de la propriété.
Cette réalité ne naît pas au 19e siècle, mais traverse l’église et l’aristocratie française et leur pratique tantôt d’inquisition, d’autodafé que de persécution de masse depuis Louis IX. Les quartiers réservés, nos ghettos, marqués encore de nos jours par le nom des rues en témoigne.
Au XXe siècle, le caractère d’une répression d’abord tournée vers les étrangers, portée par les autorités dès l’été 40 puis les décrets de l’automne 40, bien avant la conférence de Wansee (20 janvier 42), intimement liée aux thèses du f-haine d’aujourd’hui (droit du sang opposable au droit du sol) vont servir de tremplin à l’élargissement à la population juive (ou considéré comme tel sur critères raciaux) de nationalité française. Elle débutera par la déchéance de nationalité aux naturalisés les plus récents. Les étrangers mais pas qu'eux : l’abolition des décrets Crémieux de 1870 donnant la nationalité et la citoyenneté française aux Juifs d’Afrique du Nord, abrogés le 7 octobre 40 par le pouvoir en place alors qu’il n’y a aucune occupation extérieure ne l’exige, démontre l’ancrage de cette culture antisémite dans la première moitié du 20e siècle.
Une culture déjà bien établie durant l’affaire Dreyfus puis les diatribes anti juives contre Léon Blum dans les années 30, dont l’Action Française sera un des principaux vecteurs. Maurras, le théoricien de l’AF considèrera comme une "divine surprise" l'arrivée de Pétain au pouvoir.
En octobre 40, les annotations manuscrites de Pétain sur les projets de décrets-lois aggravant le caractère ségrégatif, sur ces bases racistes antisémites témoignent de cette imprégnation.
Que les manuels scolaires et bibliothèques encore de nos jours persistent à dérouler le tapis rouge sous les pieds d’un Daudet Alphonse qui mobilisera fortune et relations pour construire une ligue anti-juive en installant aux commandes son Fils avec son complice Drumont avec l’Action Française dont L Daudet sera un des députés. C'est de ce purin politique qu'infuseront dès avant février 1934 toutes les élites qui se retrouveront à VichyCela montre le degré de perméabilité idéologique de ces thèses et la résonance dans les pouvoirs en France pour conduire à l’ignominie qui ne naît pas de Vichy, mais qui y trouve l’aboutissement légitimé par le vote des pleins pouvoirs de leur anti-républicanisme, le moyen de pleinement déployer leur revanche d’un même mouvement et parfois d’un même pas, avec l’organisation de la répression anti-ouvrière et des persécutions de la communauté juive.
Les premiers convois de la déportation chargés de communistes et syndicalistes “ si possible juif ” et complétés par des Juifs “ même s’ils ne sont pas communistes ou syndicalistes ” donne l’éclairage exact de leur démarche.
Dans un entretien avec le Journal "le Monde" daté du 11 avril 2017 Annette Wierviorka, historienne reconnue de la période, pour articuler la responsabilité incontestable de la France et de son État (reconnu alors internationalement et diplomatiquement par la quasi-totalité des pays...sauf l'URSS), pour affirmer le lien entre la rafle du Vel d’hiv et la solution finale en fait une « histoire nazie » et sa « déclinaison dans trois pays d’Europe occidentale : la France, la Belgique et les Pays-Bas ». La responsabilité de la France étant ramenée à la négociation avec l’occupant par Vichy « sur l’âge et les conditions des arrestations ».
Affirmer les choses de cette façon permet une approche de l’histoire faisant l’impasse sur la nature de l’antisémitisme en France, ses lieux de fermentation, sur la nature du pouvoir qui l’institutionnalise, pouvoir né d’une décision ultra majoritaire des parlementaires français qui ne pouvaient pas ignorer depuis le passage de Pétain, nommé par le gouvernement comme ambassadeur zélé auprès de Franco*, le projet du chef de l'Etat français qu'ils se choisissent et la nature des forces politique et économiques qui le portaient.
Les premières rafles et déportations massives de Juifs en France et leur transit par Drancy commence avant Wansee et par milliers des juifs de la région parisienne seront arrêtés internés à Beaune la Rolande ou Drancy puis déportés vers les camps.
Précisons les dates :
- Le 14 mai 1941 la police française procède à l’arrestation de 3747 juifs étrangers qui seront internés à Beaune la Rolande.
- Du 20 au 25 août 4232 étrangers ou Français seront internés à Drancy.
- Le 12 décembre 1941 toujours avant Wansee, 743 personnes caractérisées comme "notables juifs", pris parmi les responsables dans la communauté, des patrons, des médecins, avocats, artistes etc.) sont internés à l’école militaire avant d’être transportés à Royallieu (Compiègne) antichambre d’Auschwitz).
Les historiens notent que l’absence de déportations massives entre février 42 et juillet 42 n’est pas due à une pause dans la répression, mais à l’insuffisance de moyens de transport pour le Reich priorisant les convois militaires et les besoins du front russe.
Cela démontre deux choses : la persécution en France sur critères raciaux ne s’engage pas après la conférence de Wansee mais avant. Dans tous les cas, ce sont les forces de répression sous la responsabilité de l’État français de ses cadres qui y procèdent ou laisse faire ces rafles et internements ainsi que la garde des internés qui est, sous leur responsabilité, organisée : outre la gendarmerie et la police parisienne, c’est tout l’appareil d’état et son administration, continuité de République antérieure trahie par sa représentation donnant les pleins pourvoir à Pétain, et en cela leur responsabilité devant l'histoire restera engagée. POUR TOUS CEUX QUI ONT VOTE LES PLEINS POUVOIRS.
Ces faits étant incontestables, pourquoi dès lors édulcorer, voire taire la responsabilité du pouvoir installé à Vichy ?
Pour des raisons de fond. La première étant que ces rafles et arrestations ont été opérées aux yeux de la population comme de tous les pays disposant d’ambassade en France lesquels ont pu être ainsi informées par leurs diplomates de ce qui se passait et jette un trouble certain sur des silences aujourd’hui lourds à porter. Mais la deuxième, plus conséquente et pesant dans le débat contemporain, c’est la réalité d’un personnel politique en poste à Paris et à Vichy, dans les préfectures à l'image de Papon et sa carrière ultérieure, la magistrature, tous prêts à assumer - anticommunisme oblige -l’exécution des otages pour raisons politiques, mais mis devant leur responsabilité face à la répression l’arrestation et la déportation des hommes femmes et enfants, l'indignation populaire grandissante, tenteront de masquer leur présence pour ensuite se donner une façade permettant de taire les résidences proches de l’Hôtel du Parc, les missions et charges, francisques et autres implications comprises dans les structures maréchalistes.
Et là, le spectre est large qui donne la nature de classe de l’état français et la réalité de ceux qui dès le début des années 50, au nom de la réconciliation et de l’Europe, vont se refaire une virginité à l’image d’un Pinay ou d’un Schumann, l’opportunisme d’un Mitterrand, la discrétion d’un Couve de Murville et de pas mal d’autre tant dans le monde politique, économique et celui patronal non épuré, voir culturel (des habits verts d’académiciens comme F Marceau, A.Moravia, serviront ainsi de ravalement pour relooker de fieffées crapules morales).
Disons-le clairement : ne garder que le lien entre Wansee et le 22 juillet 42, ne pas inscrire les convois de déportations antérieurs participe à l’entretient de cet écran de fumée et la nature de la trahison des clercs de juillet 40, rose blanc bleus virant bruns gris dès l'été et en contrepoint la validité de la phrase de Mauriac sur la seule classe « restée fidèle à la patrie profanée » et ses organisation spécifique : le PCF d'alors et ses syndicats CGT.
L’écriture d’une histoire qui ne se porte pas comme un roman, mais comme la science des faits à comparer analyser et dans sa complexité exposée est aussi un sport de combat où dans le moment les juges arbitres ont des faiblesses pour de camp idéologiquement dominant.
*Franco et Pétain se retrouvent pour la première fois là Ceuta, à l’occasion de la rencontre entre le dictateur espagnol Miguel Primo de Rivera et le général Pétain, chef des opérations militaires contre Abd-el-Krim.
Le 28 février 1939, la France et la Grande-Bretagne reconnaissent le gouvernement de Franco.
Le 2 mars 1939, Pétain est désigné comme premier ambassadeur de France de l’Espagne franquiste. Le 20 mars, il présente ses lettres de créance à Burgos alors capitale de l’Espagne nationaliste.
La guerre civile s’achève le 1er avril 1939. Madrid devient la capitale de l’Espagne de Franco.
La nomination de Pétain comme ambassadeur fut très controversée en France. La droite va saluer cette décision et va insister sur les relations personnelles qui se sont nouées entre les deux militaires pendant la décennie de 1920 au Maroc.