Ce que dit
du StopCOVID
la Ligue des Droit de l'Homme
Parce que dans ce qui n'est pas un débat mais une tentative de passage en force du pouvoir pour, avec l'alibi du virus, disposer d'un outil de traçage de la population, il n'est pas sans intérêt de connaitre l'avis de la LDH sur la question :
Lettre ouverte aux député-es de Malik Salemkour, président de la LDH
Mesdames les députées, Messieurs les députés,
Le 24 avril, nous vous avions exposé les raisons de s’opposer à la mise en œuvre de l’application de suivi de contacts StopCovid, destinée à lutter contre la pandémie de Covid-19 et présentée comme une application de déconfinement.
Après des discours contradictoires du gouvernement, les débats et le vote ont finalement été reportés au mercredi 27 mai.
Qu’avons-nous appris de nouveau sur cette application qui aurait pu vous convaincre de voter favorablement ? Rien !
Le secrétaire d’Etat au numérique sera entendu ce mardi 26 mai par la Commission des lois et vous serez amenés à débattre et voter, dans des conditions de fonctionnement toujours dégradées, dès le lendemain.
Les informations communiquées par le gouvernement, notamment sur un site dédié (HTTPS://WWW.ECONOMIE.GOUV.FR/STOPCOVID), ne permettent toujours pas de considérer que cette application ne représente pas un danger pour la vie privée et les libertés.
En effet cette application serait destinée à « contribuer au travail des médecins et de l’Assurance maladie, pour alerter au plus vite les personnes ayant été en contact avec les personnes malades de la Covid-19, et ainsi casser la chaîne de transmission ».
La question de l’anonymat reste posée
L’application StopCovid serait installée volontairement sur les smartphones à partir des « magasins » GooglePlay ou de l’AppleStore, et un serveur central sécurisé générera des pseudonymes stockés sur les smartphones qui enregistreront, toujours grâce au Bluetooth, les pseudonymes des smartphones à proximité desquels (au moins un mètre) ils seront restés au moins quinze minutes.
Lorsqu’une personne aura été testée positive, elle pourra alerter les personnes qu’elle a croisées, en partageant son pseudonyme et ceux des personnes croisées qui se trouvent dans son application avec la base de données centrale. Or le propre d’un pseudonyme est qu’il n’est qu’une technique permettant de cacher l’identité au plus grand nombre mais qu’il reste toujours un moyen de retrouver l’identité en question.
Une donnée totalement anonyme n’est plus une donnée à caractère personnel, or le fait que le gouvernement demande l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) confirme bien qu’il s’agit de données personnelles. Par ailleurs tous les utilisateurs ont pu constater que lorsqu’ils installent une application à partir de ces « magasins » gérés par Google ou Apple ils « offrent » de gré ou de force des données personnelles à ces entreprises, ce qui n’est pas anodin pour cette application.
L’utilisation de données personnelles doit respecter le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et notamment un consentement libre spécifique et éclairé de la personne concernée. Le gouvernement considère que l’utilisation de l’application étant basée sur le volontariat, celui-ci vaudrait consentement, or il ne donne aucune garantie sur les suites données aux déclarations de contamination : devra-t-on avoir installé l’application pour accéder aux tests, masques ? Sera-t-elle obligatoire pour accéder à son entreprise, lieux publics, etc. ? Déjà certains suggèrent d’offrir aux porteurs de l’application « 50 km ajoutés aux 100 autorisés » à ce jour…
Si l’accès à ces bénéfices ou « bonus » dépendait de l’installation de l’application, cela constituerait une discrimination vis à vis d’une grande partie de la population et, par ailleurs, le consentement ne serait plus libre.
Les problèmes liés au Bluetooth demeurent
En plus de risque de piratage, cette technologie n’est pas fiable quant à la mesure des distances. De plus elle est « aveugle » aux barrières protectrices que représentent un mur, une vitre séparant deux personnes porteuses d’un smartphone, ce qui risque de générer de fausses alertes, et elle ne fonctionne pas lorsque ce dernier est en mode veille.
La question de l’efficacité reste posée dans la mesure où, pour que l’objectif de StopCovid soit atteint, il faudrait qu’au moins 60% de la population utilise l’application et que tout le monde dispose d’un smartphone (or seulement 77 % des Français en avaient un en 2019) et, même si le gouvernement étudie encore à ce jour les possibilités de rendre StopCovid accessible au plus grand nombre grâce à des solutions alternatives au smartphone, il est fort peu probable que 60% de la population utilise StopCovid…
Un mois après l’annonce d’un débat et d’un vote, il apparaît qu’aucune garantie et amélioration notable n’aient été apportées.
C’est pourquoi nous vous demandons de ne pas céder aux pressions et à nouveau de refuser de voter ce projet qui, contrairement à une augmentation significative des moyens pour la recherche scientifique et les systèmes de santé publique, n’apportera rien à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 et porte au contraire de graves dangers pour notre vie privée et nos libertés.
Nous vous prions d’agréer, Mesdames les députées, Messieurs les députés, l’expression de nos salutations les meilleures.
Malik Salemkour, président de la LDH
Paris, le 25 mai 2020