«Emmanuel Macron était
le président des riches,
il devient
le président du chaos»
- Sophie Binet Secrétaire générale de la CGTPropos recueillis par Francis BROCHET - Hier à 19:00 | mis à jour aujourd'hui à 07:48 - Temps de lecture : 8 min
Comment interprétez-vous cette promulgation très rapide du président ?
Il est depuis le début dans une logique de passage en force : il espère mettre un coup de bambou sur la tête de ceux qui se mobilisent. Franchement, c’est de la provocation, et ça montre tout le mépris qu’il porte aux organisations syndicales et à la démocratie sociale… D’autant que le texte est encore plus déséquilibré qu’il ne l’était, avec la censure de toutes les dispositions qui visaient à améliorer l’emploi des seniors ou à répondre à la pénibilité.
« Il n’y a ni vainqueur, ni vaincu », a dit vendredi la Première ministre. De fait, les opposants à la réforme sont aujourd’hui vaincus…
Non, nous ne sommes pas vaincus, la bataille continue. Il y a la mobilisation du 1er mai et, dans l’intervalle, l’intersyndicale appelle à multiplier les initiatives.
Appelez-vous à durcir le mouvement dans les transports, l’énergie... ?
Ce sont les salariés qui décident en assemblée générale. La force de cette mobilisation est qu’il n’y a pas eu de grève par procuration : énormément de salariés du privé ont été en grève au cour des douze journées de mobilisation.
Emmanuel Macron n’a pas été élu pour réformer les retraites, il a été élu pour faire barrage au Rassemblement national. Et il fait tout l’inverse : avec sa politique, il ouvre un boulevard au RN.
Et après le 1er mai, vous faites quoi ?
Une mobilisation se construit au jour le jour. En promulguant la loi dans la nuit, en catimini, Macron ferme toutes les portes de sortie du conflit dans une forme de radicalisation très inquiétante. Il était le président des riches, il est en train de devenir le président du chaos. Les organisations syndicales et les salariés ont fait preuve de beaucoup de responsabilité, mais face aux passages en force, aux bras d’honneur, la colère monte.
La colère - et les violences ?
S’il y avait autant de violences que de colère, le pays serait en feu ! Car la colère est très, très, très forte. Mais la responsabilité est également très forte chez les syndicats et les salariés… Emmanuel Macron joue avec le feu de colère du pays, et joue avec le feu du Rassemblement national. C’est une trahison de plus : Macron n’a pas été élu pour réformer les retraites, il a été élu pour faire barrage au Rassemblement national. Et il fait tout l’inverse : avec sa politique, il ouvre un boulevard au Rassemblement national.
Le 1er mai 2002, vous aviez 20 ans et vous manifestiez contre Jean-Marie Le Pen, qualifié pour le second tour de la présidentielle. Vous vous préparez à recommencer au printemps 2027 contre sa fille ?
En 2002, c’était un électrochoc, qui a beaucoup contribué à ma prise de conscience politique. Depuis, il y a une banalisation des idées d’extrême droite… Et s’il y avait demain un second tour Macron-Le Pen, avec une politique de cette violence, les organisations syndicales auraient beaucoup de mal à adopter les mêmes positions que dans le passé.En 2022, Philippe Martinez (CGT) et Laurent Berger (CFDT) avaient appelé à faire barrage…
Nous dirons toujours que les idées d’extrême droite sont les plus dangereuses pour le pays, car elles mettent les travailleurs en opposition entre eux. Et nous dénonçons une forme de supercherie sociale : le Rassemblement national dit qu’il est contre la réforme, mais à l’Assemblée, il vote pour la baisse des cotisations sociales qui financent les retraites…