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Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

Que se passe-t-il en Egypte ?

Publié le 9 Mai 2011 par canaille le rouge in Nouvelles du front

Paris-D-Casanova_20110506_3647Milit-et-loisirs.JPGplutôt que s'en tenir à des clichés

 

 

Le mieux est de disposer d'information sur place 

La parole à snony

 

Camélia et Tantawi

9 MAI 2011
par snony

Le sort d’une femme est en train d’embraser l’Egypte. S’agit-il d’un soudain intérêt pour les droits de la femme dans ce pays ? Rien n’est moins sûr car ce sont d’abord des histoires de conversions religieuses. S’agit-il alors de conflits strictement religieux ? Là encore, les doutes sont permis et il semble bien qu’une certaine contre-révolution, joue, depuis trois mois et chaque fois qu’elle le peut, la carte de la fitna.

L’histoire actuelle a commencé en juillet 2010. Une femme de prêtre (copte), en conflit avec son époux, disparaît pendant quelques jours. On dit qu’elle s’est convertie à l’islam afin de pouvoir divorcer (ce qui est vraisemblable mais non vérifié). Elle est retrouvée quelques jours plus tard  mais aurait été enfermée dans une église par sa communauté. Depuis on assiste régulièrement à des manifestations de musulmans qui réclament la libération de Camélia devenue musulmane, et à des manifestations de chrétiens qui soupçonnent que la conversion de Camélia était forcée. Des imams, des prêtres, des prêcheurs télévisuel (comme Selin Awa sur la chaine Al-Jazeera) ont continué à souffler sur les braises et de nouvelles manifestations ont continué d’opposer musulmans et chrétiens sur cette question. Un autre débat a grandi dans le pays sur les rôles respectifs de l’état et de l’Eglise : le premier a-t-il une obligation de protection des individus ou la deuxième a-t-elle un droit inaliénable à récupérer « les brebis égarées ». On le voit, les droits de la femme sont très très loin de ce débat, peut-être même ceux de l’homme. Une émission d’al-Jazeera ma wara’ al-khabr (en arabe) faisait le point en septembre 2010 de tous ces développements. Une autre en anglais ici.

L’affaire a pris un tour nouveau, à mon avis, vendredi 29 avril dernier, où une manifestation de salafistes a rassemblé plusieurs milliers d’entre eux, dans un défilé dont l’objectif politique était évident. Partis de la mosquée al-Fath, ils se sont rendus à la mosquée al-Nour pour réclamer la démission du Mufti de la république, suite à la fatwa promulguée par celui-ci (il y a plus d’un an) interdisant le port du niqab lors des examens universitaires. Une centaine de femmesmunaqqabées ont participé à ce siège de la fata’, le logement du mufti. Le défilé s’est ensuite arrêté devant la cathédrale d’Abbaseiya, pour réclamer la « libération de Camélia ». Le reportage photo du journal al-Youm al-Sâbe’ (descendre en bas de la page) montre que ce sont plusieurs milliers voire dizaines de milliers de personnes qui ont participé à ce défilé.

Certes musulmans comme chrétiens sont capables de s’enflammer spontanément pour de pareilles causes. Mais c’est justement la spontanéité qui ne semblait pas au rendez-vous vendredi dernier. Ces salafistes qui sortent de l’ombre depuis peu en Egypte, ont pour beaucoup connu les geôles de Moubarak. Malgré ou à cause de cela, on les voit de plus en plus souvent associés aux fameux baltagaiya (hommes de main) dans les attaques contre les jeunes du 25 janvier.

Les nouveaux incidents de samedi soir semblent avoir pour point de départ, si ce n’est pour cause, l’apparition de Camélia à la télévision copte al-Hayat pour affirmer qu’elle n’avait jamais changé de religion (video en arabe ici). Deux heures plus tard, selon le site Egyptian Chronicles, un tweet lançait un appel à se rendre à l’Eglise d’Imbaba qui se trouve sur l’avenue al-Louqsor. C’est cette église qui a été attaquée par les salafistes qui ont mis le feu au bâtiment et provoqué la mort de 9 coptes, des dizaines d’autres étant blessés.

Hier soir dimanche, les coptes se sont rassemblés devant Maspero, la maison ronde de la radio égyptienne, comme ils l’avaient fait en mars lors des incidents de Soul, près d’Helwan et de ceux du Muqqtam. Le rassemblement était protégé par un double cordon de police puis par un cordon de coptes. Les slogans trahissaient une grande tension et on n’était plus tout à fait sur le « chrétiens-musulmans une seul main », même s’il figurait encore sur une grande banderole tendue devant le bâtiment (ci-dessus).

« Tu es copte, relève la tête » criaient le plus souvent les manifestants comme sur cette video. Je suis rapidement conduite vers en « enclos » tendu de cordes où sont rassemblées les femmes coptes (c’est la première manifestation où je vois une telle séparation). Des femmes m’expliquent ou plutôt me crient leur colère contre les salafistes mais aussi contre l’armée, accusée de complicité avec les salafistes. « Tu te rends compte, à la manifestation devant la cathédrale (le 29/05) on a vu des militaires leur fournir des bouteilles d’eau ! ». « Moi j’étais à Imbaba », enchaîne une autre, « j’ai vu les militaires qui ne bougeaient pas quand les salafistes nous attaquaient ». Elle m’affirme, avec d’autres témoins, qu’ils n’ont rien fait pour empêcher l’incendie, les pompiers restant bloqués en arrière de l’église, prétextant que la rue était trop étroite « tu parles, elle fait 8m de large ! ».

C’est donc le muchir Tantawi, chef du CSFA qui est accusé, comme sur cette pancarte qui lui dédiée « Tantawi, fils de Moubarak, la prison Tora t’attend ». (la prison Tora est celle où sont actuellement enfermés les dignitaires de l’ancien régime). On se souvient ici que pendant les 8 jours de sitt-in en mars, 15 jeunes coptes ont été arrêtés et condamnés par des tribunaux militaires à 3 ans de prison. « Mais Dieu est avec nous, m’affirme ma voisine. Il ne laissera pas faire ça ».

Je reste incompétente pour trancher la question du « camp de Dieu ». Mais il est sûr que la démarche suivie par les salafistes et leurs « alliés objectifs » que sont les sbires de l’ancien régime est en passe de réussir. Créer des troubles et des clivages dans la société égyptienne pour ramener un « régime fort » au pouvoir. Diviser les égyptiens et affaiblir la révolution.

C’est donc au « camp de la révolution » de trouver une riposte qui ne soit pas une simple réponse aux provocations. La partie s’annonce difficile tant les tensions sont aggravées aujourd’hui.

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