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Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

SNCF. Un texte assez long

Publié le 27 Décembre 2013 par Canaille Lerouge in SNCF, service public, concurence, Cheminots

Mais pas un casse-croûte bien au contraire

quand les élus (ici dans les P.O.) organisent avec l'argent public la concurrence contre la SNCF se mettant ainsi au service des gros chargeurs

quand les élus (ici dans les P.O.) organisent avec l'argent public la concurrence contre la SNCF se mettant ainsi au service des gros chargeurs

Le secrétaire général de la fédération CGT des cheminots a été invité à participer à un "colloque sur la concurence ferroviaire", au Sénat, organisé par l'institut national de la consommation.

 

Quand la parole lui a été donné, voici ce qu'il a dit et qui a vocation a être distribué aux usagers et aux élus locaux.

 

Au risque de déplaire aux organisateurs, la CGT a décidé de populariser la déclaration de Gilbert Garrel. 

 

Quand on parle service public, privatisations, concurence, voici quelques données qui aideront chacune et chacun à argumenter.

 

Quand on parle service public, privatisations, concurence, voici quelques données qui aideront à argumenter.

Mesdames, Messieurs,

 

Très honnêtement, quand j’ai eu cette invitation de l’institut, j’ai salué le fait que la CGT soit invitée mais je me suis demandé ce que j’allais y faire. Car j’ai regardé les différents thèmes des tables rondes et je me serai bien vu dans une table sur la pertinence d’ouvrir à la concurrence mais elle n’existait pas.

 

Je  vais  essayer  de  ne  pas  être  hors  sujet,  ni  d’être  trop  long  mais  avec  ce  que  j’ai  entendu,  imaginez  pour  un  militant  CGT :  on  est  dans  la  pensée  unique,  on  est  dans  le  dogme.  On a entendu une succession d’intervenants pour qui la concurrence est inéluctable et qu’il faut donc l’accepter.

 

J’ai  entendu  également  parler  de  l’évolution  de  SNCF  entre  1983  et  1997 ;  d’ailleurs,  il  y  en  a  beaucoup qui en 1997 saluait la séparation entre la SNCF et RFF, les mêmes qui aujourd’hui nous disent  que  c’est  une  aberration.  Et  effectivement,  la  CGT  disait,  et  pas  que  la  CGT,  en  1997 séparer la roue du rail et  créer une entité pour mettre une dette sous le  tapis, ce n’est pas une solution pour améliorer le système ferroviaire.

 

Il y a une date qu’il faut rappeler systématiquement : c’est 1938, année de la création de la SNCF alors que les entreprises privées étaient en faillite et ne répondaient pas aux besoins de la Nation.

 

Et cette date, il ne faut pas oublier. Il faut, quand on parle de concurrence d’un service public, réfléchir à la notion même de service public. J’ai entendu tout à l’heure que pour certains le TGV n’était pas un service public ; que les TET c’était limite un service public et puis que le service public c’était surtout les TER. Mais pour les cheminots, le service public c’est tous les trains.  Je vais même plus loin : pour nous, dans notre conception, c’est comment on crée les conditions de l’accessibilité à tous les trains pour tous les citoyens. Et là on a quelques définitions qui montrent que certains services publics sont aujourd’hui largement oubliés.

 

Aujourd’hui, il faut le dire très clairement, l’ouverture à la concurrence ne peut que dépendre de choix politiques.  Ce  qui  signifie  qu’il  n’y  a  rien  d’obligatoire,  rien  d’inéluctable :  soit  on  choisit politiquement en France d’ouvrir à la concurrence l’ensemble des activités ferroviaires, soit on ne le choisit pas. Vous savez, même très récemment, lorsqu’on nous dit, « c’est l’Europe qui… » on a tout  de  même  vu,  lors  de  la  crise  financière,  des  orientations  européennes  mises  sous  le  tapis lorsqu’il  s’agissait  de  refinancer  les  banques.  Je crois qu’au niveau de l’Europe il faut créer les conditions pour qu’il y ait un droit de subsidiarité des Nations sur des questions comme les services publics.

 

On nous parle de l’application des directives européennes. Je rappelle que la directive 91-440 qui fixait les conditions progressives de l’ouverture à la concurrence, prévoyait un retour d’expérience avant 2015. Or aujourd’hui, plus personne ne parle du retour d’expérience nécessaire avant de passer à une étape supérieure de l’ouverture à la concurrence et de la libéralisation. 

 

Après j’ai entendu tous les bienfaits de la concurrence. Mais citez-moi un service public libéralisé qui a été bénéfique pour les usages, bénéfique pour les salariés. Qu’on m’en cite un, un seul. On peut tous les prendre. Télécommunications : on me dit c’est bien mais quand je vois des affiches de la RATP disant votre téléphone peut susciter de la convoitise, cachez-le, cela signifie qu’il y des téléphones pour les riches et des téléphones pour les pauvres. Énergie : regardez ce qui se passe au  niveau  de  la  précarité  énergétique  en  France  qui  n’a  jamais  été  aussi  élevée.  Santé : aujourd’hui, il y a une santé pour les riches, une pour les pauvres et dans les territoires, on ferme des centres de santé car pas suffisamment rentables.  Aérien : je n’ai pas envie qu’on fasse demain des listes grises, des listes noires d’entreprises ferroviaires.  On peut parler comme ça des Universités, de l’eau, des autoroutes, de l’aérien, de la poste…

 

Il n’y a pas une libéralisation d’un service public qui a été profitable aux usagers en termes de qualité et de tarifs, il n’y en a pas une surtout  qui  a  été  profitable  aux  salariés  puisque  ça  c’est  systématiquement  traduit  par  une régression sociale.

En France, on a l’exemple du fret. Il y a certes un nombre de tonne.km transporté par rail qui a été divisé par deux depuis l’ouverture à la concurrence. On peut me dire qu’il y a eu une baisse du trafic, de l’activité, mais divisé par deux ! Mais il y a surtout les infrastructures : on avait les triages les plus modernes d’Europe, 21 pour faire des wagons isolés.  Il  n’y  a  plus  que  3  triages  qui fonctionnent  en  France  et  sur  les  3,  il  se  triait  avant  environ  1800  à  2000  wagons/jour,  alors  que maintenant il se trie environ 500 et 1000 wagons/semaine. Ce qui fait que ces chiffres, vous pouvez les  multiplier  par  21  et  vous  le  traduisez  en  nombre  de  camions  sur  les  routes. 

 

Parce que les entreprises ferroviaires privées n’ont pas pris une tonne de wagon isolé, une tonne de messagerie ; elles se sont toutes concentrées sur du train complet, du train facile à réaliser. 

 

 

On  a  entendu  ce  matin  des  intervenants  européens,  dont  la  plupart  sont  des  promoteurs  de  la concurrence en Europe mais j’aurais aimé qu’il y ait des syndicalistes, suédois, allemands, anglais qui vous disent  très concrètement, socialement, en termes de qualité et de management de la sécurité,  comment  s’est  réalisée  l’ouverture  à  la  concurrence  dans  leur  pays.  Et là on se rend compte que la réduction des coûts passe inexorablement par une baisse de la qualité, par une baisse du niveau de sécurité et par une régression sociale des salariés.

 

Après, il y a des situations qui sont porteuses d’espérance.  Quand l’Association des Régions de France sort un manifeste en disant qu’elle ne veut pas de l’ouverture à la concurrence, c’est bien.

 

Et il faut impérativement qu’on s’appuie sur les autorités organisatrices de transport qui disent que le  problème  ce  n’est  pas  la  concurrence  mais  les  relations  avec  la  SNCF,  l’organisation  du système, le financement du système.

 

Quand on parle de statut social et quand on voit qu’à ECR, filiale de la Deutsche Bahn, les salariés ont dû faire sept jours de grève pour faire appliquer la convention collective, pour faire respecter leurs droits et non pas pour conquérir des droits meilleurs. Parce que chez ECR, des conducteurs roulent  pendant  treize  heures,  font  des  journées  de  17-18  heures,  parce  qu’ils  n’ont  aucune programmation,  parce  qu’ils  n’ont  plus  aucune  vie  privée,  etc.…Alors  si  c’est  ça  l’image  de  la concurrence, sachant qu’apparemment ECR ne fait même pas de profit ! 

 

Quand on parle de concurrence, tout est parti du rapport Grignon commandé par le précédent gouvernement  en  2010  et  qui  a  abouti  sur  les  assises  du  ferroviaires,  lesquelles  ont  fait  émerger deux éléments importants. L’un est que l’organisation du système, sa gouvernance ne fonctionne pas en France et qu’il faut réunifier  tout  ça  et  pas  seulement  le  gestionnaire  d’infrastructure  mais  le  système  dans  son ensemble.

 

L’autre est qu’il y a un gros problème de financement parce que quand on nous cite le modèle allemand  qui  coûte  moins  cher,  on  n’oublie  de  dire  qu’il  a  été  désendetté  deux  fois ;  une première fois lors de la réunification des deux Allemagne et une deuxième fois suite à la directive 491-440 que les Allemands, eux, ont appliqué. Alors certes, si on n’enlevait aujourd’hui - je ne parle même pas des 32 milliards – les 15 milliards de la dette RFF liés à la création des lignes à grande vitesse,  ce  ne  serait  pas  30  à  40%  du  transport  quotidien  des  trains  qui  serviraient  à  rémunérer l’infrastructure.

 

Aujourd’hui, les trains servent à rémunérer les banques. On dit qu’il manque entre 1,5 et 2 milliards au système ferroviaire en France quand RFF sort 1,7 milliard par an d’intérêts aux banques, suite à une dette qui est une dette d’aménagement du territoire.

 

J’entends également tout ce qu’on dit sur les cheminots, leur productivité, leur coût, etc.…Or, si on fait un calcul tout simple en prenant le périmètre TER en 2002 et aujourd’hui : en 2002, on avait 1 cheminot  pour  471  voyageurs.km.train   alors  que  maintenant  on  en  est  à  1  cheminot  pour  691 voyageurs.km.train,   soit  plus  de  30%  de  productivité. 

 

Et puis, cette fameuse réglementation du travail des cheminots, combien de Français travaillent 7 jours sur 7, 24h sur 24, fériés, dimanches compris ?  Combien de salariés en France ont une telle souplesse ?  On en trouve très peu : les hôpitaux, les pompiers, quelques professions, pas plus.  Ce qui signifie qu’à partir de telles contraintes liées au service public, qu’on ne renie pas, qu’on veut assumer, il faut qu’en face il y ait une véritable compensation en termes de jours de repos pour qu’il y ait un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, parce qu’il faut préserver la santé physique et mentale, parce qu’il faut préserver la sécurité des circulations…

 

Autant d’éléments que je n’arrive pas à retrouver dans les débats.

 

Lorsque  le  Ministre  des  transports  a  fait  une  convention  nationale  du  Fret,  on  a  entendu  des choses  amusantes :  le  Medef  a  dit  qu’il  fallait  subventionner  les  entreprises  si  on  veut  qu’elles soient   embranchées  au  rail,  le  patron  de « Modalohr »  a  dit  qu’il  fallait  subventionner  la construction  de  wagons  pour  mettre  des  camions  dessus,  les  représentants  des  transporteurs routiers  ont  dit  qu’il  fallait  les  subventionner  pour  qu’ils  mettent  leurs  camions  sur  des  rails. 

 

Les mêmes qui se plaignent en permanence des impôts veulent des subventions de l’État.

 

Il va falloir quand même avoir un peu de logique dans le raisonnement. J’entends dire depuis ce matin qu’il y en a assez de subventionner par de l’argent public une entreprise publique mais si demain les entreprises    privées,    qui    génèrent    quelques    bénéfices    pour    leurs    actionnaires, étaient subventionnées, ça ne serait pas si grave que ça ?! 

 

Pour  répondre  quand  même  à  la  question  de  la  table  ronde :  pour  nous  les  cheminots,  une ouverture à la concurrence réussit,  ce  n’est pas de concurrence du  tout. 

 

Et même mieux, c’est faire en sorte que le fret ferroviaire, et notamment la messagerie ferroviaire, soit reconnu comme une activité d’utilité publique, donc comme un service d’intérêt général, et qu’on subventionne la SNCF si on veut créer les conditions d’un report modal de la route vers le rail.

 

Je suis désolé, je suis un peu à contre-courant du débat d’aujourd’hui mais je crois que j’ai été un peu aussi invité pour ça.

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A
Excellent, la mise en concurrence a fait ses preuves: santé - poste - et plus généralement tous les services publics, sans que ceux qui en attendent (peut être naivement) les retombées<br /> en bénéficient le plus. . .
G
Merci Gilbert pour cette brillante intervention, elle fait chaud au cœur des cheminots qui se battent pour défendre le service public ferroviaire. Les arguments sont si vrais qu'ils devraient faire réfléchir nos responsables politiques, mais même pas ! le dogme du libéralisme prend le pas sur toutes les décisions. Pas de salut en dehors d'une forte mobilisation des usagers avec les cheminots; le temps presse avec le débat sur la réforme ferroviaire dans ce premier semestre 2014.
D
30années de militantisme avec. La CGT et toujours la même défense celle du service public au service de nos concitoyens ,L'intérêt général avant celui du capital,merci Roger pour cette déclaration au moins la majorité du sénat ne pourra pas dire qu'elle ne savait pas....l'histoire se répète...
C
Rendons à Gilbert (Garrel) la paternité de ses déclarations. cela ne change rien ni au fond ni à la forme ; mais comme cela les présents ne pourront pas dire qu'ils ne retrouvent pas les coordonnées de l'intervenant.
G
Bonjour <br /> Voici qui est très bien dit!<br /> Cela fait énormément plaisir, en cette fin d'année 2013, à un Cadre Honoraire SNCF-CGT qui en a connu depuis le 04 octobre 1957, où il était entré élève exploitation en gare de Laurens (Béziers-Bédarieux-Neussargues).<br /> Bonne année à tous; Et que le 3ème EPIC créé supprime les deux autres!