Les mesures administratives sont elles LA solution pour combattre la propagation des thèmes néo nazis et faire taire leurs propagandistes ?
Seules, à coup sûr, NON.
Doivent-elles être utilisées ? Tout aussi assurément OUI.
Cela doit-il se faire via le ministre de l'intérieur ? Non c'est au gouvernement, au premier ministre et la garde des sceaux de mandater celui de la police. Sinon nous sommes dans l'arbitraire possible.
Mais surtout, le risque est réel si seules des mesures de types administratives sont prises sans combat politique frontal, de voir les premiers se poser en martyr et le second poursuivre ses comportements matamores de tigre de papier.
Nous ne sommes pas là devant des lancements de pétard un 13 juillet au soir demandant des mesures de simple police. Il s'agit d'abord d'un affrontement de fond, une guerre idéologique qui doit être menée contre tout ce qui de près ou de loin conduit à la banalisation des idées et crimes nazis et leur apologie, de s'opposer à tout ce qui permet leur résurgence.
Les vainqueurs des barbaries, dès Nuremberg en 45 et leur volonté d'éradiquer toutes les formes de racisme par tous les moyens, se sont dotés d'outils, y compris coercitifs, pour combattre le retour des fascismes tant l'idéologie qui les sous-tend est liberticide et génocidaire. Pour autant, même dans la charte de l'ONU, aucun outil pertinent et durable pour interdire ceux qui tirent intérêt de ces pratiques criminelles, les outils industriels du crime n'ont jamais rendu de compte. D’où le besoin à la foi de la luttes politiques constantes et de sanctions juridiques efficaces à partir d'un arsenal existant globalement très rudimentaire.
C'est dans ce contexte que se pose la question des mesures à prendre face à des Dieudonné.
L'art, le spectacle doivent-il bénéficier d'un statut à part ? Avant même de porter jugement sur le contenu, le principe.
Le spectacle, sous toutes ses formes, au nom de la liberté de création peut-il être mis hors champ ? La scène d'un théâtre, un écran de cinéma, une galerie d'art, une maison d'édition peuvent-ils être sanctuarisé et échapper aux règles fixée par la société au nom de l'art et de la liberté de création ? L'histoire du XXème siècle en France, sans hésitation montre que la réponse est non. La liberté de création s'arrête là où commencent les pratiques condamnées par Nuremberg.
Pas au nom de principes désincarnés mais à partir de l'expérience dans notre propre histoire. Le monde de la culture a toujours été un de ces lieux de l'affrontement où les valeurs émancipatrices devaient en permanence travailler à isoler le venin des racismes et pratiques ségrégatives.
Des Goncourt applaudissant la répression de la Commune, Zola isolé parmi ses pairs pour défendre Dreyfus, les Daudet, Alphonse père (toujours au programme des écoles de la République) au fils Léon, vitrine abjecte de la pensée antisémite, industrialisé et financé par le père, Celine, Morand ou Chardonne d'un coté de la ligne de fracture. De l'autre, R Rolland, H.Barbusse et tous les écrivains de la nuit, de Bernanos à Aragon en passant par Mauriac, Eluards et Vercors, faisant barrage avec nombre d'autres. Cette ligne est bien réelle dans la société Française.
Un artiste lyrique ou de variétés, peintre ou sculpteur faisant le voyage à Berlin en 1941 ou 42 n'est pas innocent dans ses choix quand d'autres sont soit contraint à la clandestinité soit assassinés pour ce qu'ils sont, des hommes et femmes porteurs d'une culture autre que la dominante et sa logique exterminatrice.
Dans notre pays, les murs des édifices culturels et artistiques résonnent encore des propos sur l'art dégénéré portés par les tenants des soutiens du racisme et de l'antijudaïsme1. En cela Dieudonné n'est que le continuateur de Paul Sézille ; on a les parrainages qu'on mérite.
Ce mauvais clown qui ne fait plus rire n'est pas une apparition nouvelle mais plutôt le remugle des bassesses d'hier.
Des personnalités du monde artistique et culturel ont couvert voir participé à ces actes qui en France sont chargés d'une lourde hérédité : les "villages de sauvages" des expositions coloniales ont moins d'un siècle et précède de moins de 20 ans les rafles et exécutions de masse. Ces personalités pour certaines d'entres elles étaient présentes aux inaugurations des premières et aux premières des spectacles officiels durant les secondes.
Notons au passage à propos de ces "villages" des expo coloniales que le colonialisme, du cotés des puissances politico économique - dont la traite négrière - toutes confessions des coloniaux comprises ne s'embarrassait pas trop de distinctions raciales quand il s'agissait de piller les richesses des colonisés des Antilles et Guinée d'avant hier à l'Apartheid d'hier ou Israël et la Françafrique aujourd'hui.
Ils ont leur racine dans cette recherche de comment mieux exploiter et trier sur des critères raciaux au sein d'une pyramide dont le raciste est toujours le sommet. Et dont le rejet de l'autre conduit toujours au pire.
Difficile de s'en sortir quand en France, un artiste qui sera un des artisans de "l'harmonisation des pratiques musicale avec l'idéologie de la révolution nationale"(voir acte du colloque "la vie musicale sous Vichy"), "Révolution Nationale" dont l'antisémitisme est un des piliers, parce qu'il avait du talent dans les doigts et de l'oreille, un musicien qui a laissé son nom à un célèbre questionnaire et toujours à celui du grand auditorium du Conservatoire de musique de Paris est toujours vénéré.
En rappelant que ce Conservatoire est "le seul établissement d'enseignement de France métropolitaine, dont les élèves juifs ont été exclus en totalité sous le régime de Vichy"(J Gribenski-- l'exclusion des juifs du conservatoire 1940-42 communication au coloque la vie musicale sous Vichy).
Cortot puisque c'est de lui qu'il s'agit dès 1935 acceptera de jouer en Allemagne Hitlérienne quand Pablo Casals, lui, refusera, se séparera avec éclat de Cortot et s'engagera pour l'Espagne Républicaine. Vous le voyez, tout se tient.
Voir comment au nom du talent on est prêt à pardonner l'engagement hitlérien militant d'un Karajan ou d'un Kempff pour ne rien dire de Furtwängler*[2], prêt à organiser ici sans rappel historique s'organisent des rétrospectives Vlaminck ou Dunoyer de Segonzac qui firent le voyage à Berlin en 41, montre combien dans l'idéologie dominante l'art et l'artiste sont plus facilement excusable que le requis pour le STO dénoncé par son patron, arrêté dans son usine et toujours stigmatisé.
Est-ce que cela nous éloigne tant que cela des pantalonnades lepeniformes du sieur Dieudonné ? Non tant cela montre la perméabilité historique aux idées ségrégatives et élitistes de tous les corps sociaux, artistes compris, avec en prime la démultiplication que leur donne, parce qu'artiste et donc sur le devant de la scène l'écho médiatique et donc impose de renvoyer ceux qui s'en revendiquent à leur responsabilité.
Impossible de revendiquer un statut d'exception au nom de la liberté de création et de ne pas être comptable au même niveau de ses actes.
Raison de plus pour que la société prennent des mesures de protections face à ce que représente ce qui ne sont plus des dérapages mais les stolons de professions de foi aux racines criminelles.
C'est par enseignement de ce qui précède que la communauté des hommes contre les idées avilissant l'humanité s'est dotée d'un arsenal pour les combattre. Il doit être utilisé et sans hésitation.
Au passage, Canaille le Rouge note d'ailleurs que ceux qui s'interrogent le plus de savoir s'il faut ou pas des mesures administratives contre l'apologie du racisme et de ses crimes sont souvent les mêmes qui soit reste d'un assourdissant mutisme soit demandent un usage sans faiblesse de la réglementation du droit de grève. La loi serait-elle à géométrie variable en fonctions des causes ?La notoriété du délinquant ici, la simple citoyenneté de l'usant d'un droit constitutionnel là ?
Ce que révèle ce moment de l'affrontement idéologique est bien plus profond que les intolérables provocations d'un Dieudonné. C'est de voir combien ceux qui se meuvent dans son sillage s'abritent parce que supposés sanctuarisés, derrière "l'artistique" et le culturel dont l'humour est un pan par ailleurs, sauf ici, respectable, et s'appuient sur des ferment toujours présents dans la société française.
Ce qui doit faire réagir, ce n'est pas tant le bateleur certes à bannir que ceux qui en payant leur place lui donnent les moyens de continuer, ceux qui paient parce qu'ils trouvent là l'exutoire à leurs pulsions ségrégatives. Des pulsions qui trouvent toujours des fissures, failles et crevasses pour se glisser dans un corps social subissant de plein fouet une crise provoquée, il ne faut jamais le perdre de vue, par la défense des intérêts des héritiers de ceux qui avaient installé au pouvoir les forces qui ont produit le tonneau et sa lie dont s'abreuvent aujourd'hui les Dieudonné .
[1] La Canaille use volontairement du terme d'antijuda¨sme plutôt qu'antisémitisme. Les palestiniens sont un peuples classé parmi les sémites par les anthropologues et la Résistance poalestinienne façce à l'agression isralienne ne peut-ête qualifiée d'antisémite. Le terme d'antisioniste étant le cache sexe contemporain des antijudaïques (alors que le sionisme est une doctrine qui doit être combattue pour son expensionisme raciste) ne permet pas d'y recourir. Mais La canaille devra obligatoirement y revenir.
[2]A Berlin, une exposition consacrée à la Philharmonie de Berlin pendant le IIIe Reich a été organisée au foyer de l'orchestre. Ainsi deux de ses chefs les plus prestigieux Wilhelm Furtwängler et Herbert von Karajan ont été d'ardents propagandistes hitlériens, contribuant à faire de la musique allemande une armes de propagation puissante dédiée à la gloire du régime nazi. (source : Lorraine Rossignol, La Philharmonie de Berlin et le nazisme, Le Monde, 1 octobre 2007)