Une bataille avant tout politique
La fâcheuse mise en ligne d'une ébauche- canevas à la place de sa version présentable rendait ce texte imbuvable. En voici sa version plus affinée et élaguée de ses scories et de ses fautes les plus nombreuses. Certes il n'est pas parfait mais déjà rendu lisible.
A-t-on plus de risque à se contaminer en prenant un livre touché tous les trois jours sur l’étagère d’une librairie qu’une boite de conserve plusieurs fois manipulée pour y lire l’étiquette sur celle d’une superette ou d’une grande surface?
L’enjeu n’est-il pas ailleurs ?
Ci dessous, tentative d’approche du pourquoi le maintien des librairies fermée le plus longtemps possible.
Lutter pour que le livre ne soit pas un supplément d’âme mais un combat essentiel anime dans la moment une convergence autour la colère des libraires.
Autour d'une idée centrale : le temps de la lecture comme tout temps culturel ou (et) de loisirs n'est pas un temps comme les autres. non seulement il échappe aux détenteurs des leviers économiques et politiques, il ne s'inscrit pas dans le lien social de subordination du statut salarial ni de l'encadrement par la loi de la vie quotidienne, mais de plus il porte en soit les outils permettant de s'en affranchir.
Dans une société de totale marchandisation de tout l’espace humain, c’est inconcevable.
Dans ce cadre, le-la libraire, sa librairie depuis toujours sentent le souffre.
Il s’agit d’un affrontement séculaire qui perdure et s’accentue avec les innovations technologiques.
A partir du moment où la diffusion des idées et informations a pu échapper à l’église et au château, le vecteur de cette diffusion - l’impression sur papier - est devenu à la fois objet politique et constructeur d’une organisation politico sociale en butte avec la censure et l’inquisition, les mises à l’index, les autodafés.
Le livre tiens donc une place historique déterminante dans la construction de nos sociétés et toutes décision le concernant prend immédiatement une signification politique incontournable tant il est une des clés de voute de l’idée de Liberté.
Sa diffusion va conduire à la construction d’un système lequel organisera une de ces industries locomotives de la marche de l’humanité qui va armer cette volonté de liberté.
Pour qu’un livre -texte- soit lu, il doit bien sur être écrit, mais aussi imprimé, diffusé (vente, don, prêt etc.)
Nous sommes là aussi devant un système de production lié, à rendement croissant. Plus un ouvrage est imprimé massivement plus son coût de revient unitaire baisse et dès lors que son contenu est en résonance avec une attente, parfois une soif, plus il se diffuse facilement et largement.
D’où la volonté historique des puissances politiques et idéologiques de s’assurer de la maitrise éditoriale, des points de diffusion, d’en encadrer les contenus…et cela jusqu’à nos jours sous toutes les latitudes et systèmes.
La question de l’apprentissage de la lecture qui ouvrira vers le droit à l’école, lecture liée au besoin de la structuration d’une forme sociale de l’économie intégrant cette maitrise de plus en plus large pour son développement et l’affirmation de son hégémonie, porte avancées et contradictions.
Déjà sous l’ancien régime les ancêtres de nos RG auront autant pour mission essentielle de traquer le placard et le libelle que de trouver lieux d’impression et de diffusions, de réprimer leurs auteurs tandis que sont officiellement placardés – et interdit par la loi d’y nuire- les édits et décrets. Naissance aussi dès lors à mesure que la lecture infuse dans le peuple de la diffusion massive des livres (religieux ET manuels scolaires) entretenant et actualisant les conditions d’intégration idéologique.
Que les professions de l’édition s’y refusent ou tente de contourner les pouvoirs, la répression se manifeste, violente. Ce n’est pas un hasard si la profession qui a le plus souffert de la répression durant l’occupation soit celle des imprimeurs.
Qu’au 16e siècle, au travers de la Réforme, l’industrialisation de l’écrit se produise dans les lieux de contestation de l’ordre catholico-monarchique en place est un des marqueurs des enjeux au chœur de l’antagonisme : à la fois diffusion et moyen financiers de celle ci, outil de production, qualification de ceux qui font fonctionner cette industrie nouvelle et son succès, cela crée des réseaux et de l’accumulation financière structurant des pouvoirs nouveau. C’est un des moyens majeurs de la bourgeoisie pour s’ériger en classe dominante, avec des outils dont elle veut en permanence s’assurer la maitrise jusqu’à la situation de la presse aujourd’hui.
L’antagonisme éditeur imprimeurs, la place prépondérante de l’éditeur entre l’auteur tributaire de l’éditeur comme le lecteur vont être au cœur de multiples affrontements, sources de luttes et conquêtes démocratiques.
La librairie lieu d’un échange marchand de nature différente puisque vente d’idées matérialisée par le livre devient avec l’exigence sociale … et la création d’un marché un des lieux forum de la vie démocratique et culturelle. Le libraire étant un des piliers culturel au plus près des populations.
Laisser aujourd’hui la diffusion du livre entre les mains de monopoles privés de fait via le commerce en ligne n’est que la suite d’un long cheminement traversée au 20 siècle par la lutte contre la « Pieuvre verte » Hachette et sa volonté de cantonner le libraire ou le marginaliser.
Le mouvement ouvrier naissant fera de l’accès à la lecture et donc au savoir par lui transmissible un de ses combats jusqu’à ouvrir des bibliothèques pour échapper au rapport marchand mais aussi des librairies pour diffuser largement là ou la bibliothèque ne peut accéder.
Ce n’est pas un hasard si la question des bibliothèques scolaires municipales, d’entreprises et la bataille du livre ait rencontré de tout temps le combat pour la liberté de l’édition. Et que durant cette crise sanitaire elles soient mobilisées par leurs défenseurs pour être utilisées.
L’industrie éditoriale, source de profits conséquents et outil de pression idéologique majeur – presse, manuels scolaires et leur contenu, choix des écrivains à promotionner etc. – n’est pas en dehors de la guerre idéologique en cours.
Au final qu’ils s’y inscrivent consciemment ou pas, la volonté des libraires de faire leur travail de médiateurs culturels se heurte aux critères du capital. Pour le pouvoir aux ordres de ce dernier, la pandémie est aussi un outil de pression pour piloter une réorganisation de la profession par l’élagage des branches les plus contestataires. L’asphyxie financière étant le moyen de cette euthanasie.