A propos de la
crise, des responsabilités des banques et outils spéculatifs, de celles des gouvernements, du droit et de la capacité des peuples à rejeter les diktats, ce point de vue paru dans le Monde du 09
mars suivi de l'article de l'Huma du 10:
Il faudra vite revenir sur cette question.
Des espoirs légitimes se lèvent mais sans cohérence politique pour le mouvement populaire des terribles déconvenues sont aussi possibles. Le capital mesure l'enjeu et va mettre tout son poids pour ramener les islandais à SA raison.
La meilleurs façon d'être solidaire
est de faire comme en Grèce :
mobiliser pour ne pas payer la facture de nos ploutocrates.
La question n'est pas solidarité européenne pour échapper au FMI comme le dit Martine Aubry sur France Inter. Ce n'est pas Merkel et Zapatéro avec Sarko contre DSK. C'est ni les un(e)s, ni l'autre mais la reconquête des souveraineté pour maîtriser les leviers économiques.
Les contribuables islandais refusent de payer pour l'aveuglement des banques,
par Aurélie Trouvé et Einar
Mar Gudmundsson
LEMONDE.FR | 09.03.10 | 22h26
Le peuple islandais vient de dire non. C'est une bonne nouvelle pour les peuples
européens en proie aux diktats de plus en plus insupportables de l'industrie financière internationale, relayés par les gouvernements et l'Union européenne.
En 2008, en pleine crise économique, le système bancaire islandais s'écroulait et avec lui, la banque en ligne Icesave, filiale de Landsbanki, une des trois grandes banques islandaises, qui opérait au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Cette banque avait pris tous les risques, dans un pays où le monde de la finance, en lien étroit avec le gouvernement, misait à fond sur la dérégulation et les combines. A l'autre bout figurent des clients britanniques et néerlandais appâtés par des rémunérations mirobolantes de leurs dépôts. La grande majorité des contribuables islandais refuse aujourd'hui de payer l'addition pour les errements du système bancaire privé et d'un gouvernement irresponsable.
Face à l'écroulement d'Icesave, les autorités britanniques ont recouru en 2008 à la législation antiterroriste pour geler les avoirs islandais au Royaume-Uni. La manœuvre aggrava encore les problèmes en étouffant davantage l'économie islandaise, prise en otage dans cette affaire. A présent, le Royaume-Uni et les Pays-Bas réclament à l'Islande le remboursement des sommes qu'ils ont dépensées pour dédommager individus, entreprises et institutions lésées par la faillite d'Icesave. Ils prétendent s'appuyer sur le droit européen, ce que les Islandais contestent: selon ces derniers, le fonds de garantie des dépôts était de la responsabilité exclusive des banques islandaises, sans garantie en dernier ressort de l'Etat islandais.
Quoi qu'il en soit, la note présentée est inacceptable pour les 320 000 habitants de ce petit pays : 3,8 milliards d'euros, soit 40 % du PIB islandais, 12 000 euros par habitant ! Pour faire payer cette dette, sans doute sur plusieurs générations, le Royaume-Uni et les Pays-Bas multiplient les menaces d'isolement économique. Ils reçoivent l'appui du Fonds monétaire international et des autres pays riches. A la clé : annulation des soutiens promis pour la reconstruction du pays et refus d'adhésion à l'Union européenne. Le choix est clair : mieux vaut sauver l'image du secteur bancaire européen face aux agences de notation et au monde financier, que porter secours à un pays qui s'écroule.
Pour ce faire, il s'agit d'obliger l'Islande à adopter une loi rétroactive reconnaissant sa responsabilité dans la faillite du système bancaire islandais. Sous les menaces, le Parlement islandais a voté une première loi dans ce sens, plafonnant cependant les montants remboursés selon une certaine proportion du PIB islandais. Le texte ayant été refusé par le Royaume-Uni et les Pays-Bas, le Parlement a revoté une loi levant toute condition au remboursement. Face à une pétition signée par un quart des électeurs, le président islandais a alors refusé de signer le texte de loi et a suspendu la décision au référendum du 6 mars. Le non a été soutenu par de nombreuses organisations de la société civile dont Attac, qui vient de se créer en Islande.
Bien entendu, les agences de notation ont rétrogradé l'Islande au plus bas. Les lobbies financiers accusent déjà les Islandais de ne pas prendre leurs responsabilités et de reporter les conséquences sur les contribuables britanniques et néerlandais. Mais ne pourrait-on pas, au contraire, considérer que les Islandais prennent la seule position responsable et envoient ainsi un signe vers le reste de l'Europe ? Pour la première fois, de façon concrète, les citoyens refusent de payer pour les énormes risques pris par des banques privées et des investisseurs dans le seul but d'une super rentabilité de leur capital. N'ayant guère vu la couleur de ces profits toujours croissants au doux temps de l'euphorie financière, les contribuables ne se résignent pas à devenir les dindons de la farce.
Les avoirs qui subsistent de la banque Landsbanki devraient servir à dédommager en partie le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Au-delà subsiste une question : qui doit payer pour les dégâts et les énormes déficits publics provoqués par la crise financière ? Ces dernières semaines une vague de grèves a secoué la Grèce : là aussi les salariés et les contribuables refusent de payer les pots cassés de la crise sous la pression de la spéculation monétaire. Nul doute que dans de plus en plus de pays, les contribuables refuseront de laisser libre cours à un système financier prédateur qui, après avoir été sauvé du gouffre par les Etats, veut maintenant les mettre à genoux. Les gouvernements se retrouvent face à leurs responsabilités : imposer de fortes régulations publiques au système financier, à commencer par la suppression des hedge funds et des marchés de gré à gré, un encadrement très strict des marchés de dérivés, une mise sous contrôle public des agences de notation, un démantèlement des paradis fiscaux, la construction d'un pôle financier public européen sous contrôle démocratique et enfin, une taxation internationale sur les transactions financières, seule à même de juguler la finance et de financer les urgences sociales et écologiques au plan mondial.
Aurélie Trouvé est coprésidente d'Attac France,
Einar Már Guðmundsson est écrivain et membre d'Attac Islande
l'Huma :
Les Islandais repoussent le racket
93 % des votants ont dit « non » hier lors du référendum sur le remboursement par le contribuable islandais de la dettede la banque en ligne Icesave : 3,8 milliards d’euros.
L’Islande a rejoint samedi le club des États européens qui ont dit « non » au libéralisme par référendum. Samedi, les Islandais ont voté contre l’accord Icesave, entre leur pays, le Royaume-Uni et les Pays- Bas. Il s’agissait de rembourser les dettes de la banque en ligne Icesave. Selon les résultats quasi définitifs, 93,2 % ont voté « non », alors que les sondages n’en attendaient que 60 %. Le « oui » s’arrête à 1,8 %. Le reste étant des bulletins blancs ou nuls. L’abstention s’élève à un peu plus de 40 %.
Le « non » a gagné parce que « les gens normaux, les paysans et les marins, les contribuables, les docteurs, les infirmières, les professeurs se voient demander de porter sur leurs épaules […] un fardeau créé par des banquiers irresponsables et cupides », a réagi hier le président de la République, Ólafur Grimsson, qui avait convoqué les Islandais aux urnes.
C’est en 2008 que la banque islandaise en ligne Icesave faisait faillite. Le Royaume-Uni et les Pays- Bas indemnisaient leurs citoyens qui avaient déposé leur épargne auprès de cette banque. Bien qu’ils aient fait la preuve de leur incapacité à réguler leurs secteurs bancaires, ils se sont depuis retournés contre l’Islande pour récupérer cet argent. En début d’année dernière, Londres a même usé de la loi antiterroriste pour geler les avoirs de Landsbanki, la maison mère d’Icesave, et forcer l’Islande à un accord. Une décision qui a attisé un fort mécontentement. Au total, ce sont 3,8 milliards d’euros que réclament Londres et La Haye, soit 40 % du PIB islandais, ou 12 000 euros pour chacun des 320 000 habitants. Le remboursement doit se faire avec un taux d’intérêt de 5,5 %, permettant de faire de l’argent sur le dos du contribuable islandais !
PARTAGER LE FARDEAU ENTRE LES TROIS NATIONS
« C’est un résultat conforme à ce que nous espérions », réagissait hier pour l’Humanité Johannes Skulasson. Ce dernier est membre de l’association Icesave qui, en faisant signer une pétition par un quart de l’électorat, a permis la convocation de ce référendum, unique depuis l’indépendance de l’Islande, en 1944. « Les Britanniques et les Néerlandais vont devoir respecter la volonté du peuple islandais », prévient-il. « Espérons qu’il y ait un meilleur accord », avec un taux d’intérêt inférieur, « et qui fasse partager le fardeau entre les trois nations ».
Face à ce « non », les négociations entre l’Islande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont dû reprendre. Après l’incursion démocratique de samedi, elles pourraient prendre un tournant plus favorable à la République insulaire. La semaine dernière, les fuites dans la presse évoquaient déjà un taux d’intérêt réduit à 2,75 %, encourageant les hésitants à voter « non », pour obtenir un accord plus satisfaisant encore. Les lignes semblent donc bouger du côté des gouvernements britannique et néerlandais, mais ceux-ci refusent toujours d’accéder à la principale revendication des partisans du « non » : que les responsabilités de chacune des parties soient fixées par la justice internationale. Les Islandais ont refusé samedi d’appliquer la loi du plus fort.
GAËL DE SANTIS