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Canaille le Rouge, son c@rnet, ses p@ges.

Espace d'échanges, de rêves, de colères et de luttes. Alternative et horizon communiste. point de vue de classe.   Quand tout s'effondre, ce n'est pas aux causes des ruines de gérer le pays mais à ceux qui sont restés debout.

Un peu de recul, une incitation à réfléchir et débattre proposé par E Morin

Publié le 25 Avril 2011 par canaille le rouge in Pour réfléchir ensemble

 

 

http://www.menuiserie.fr/dvd/images/caisse-a-outils.jpg

 

Le calme -apparent- de l'actualité pousse à prendre du recul et à poser la caisse à outils le temps de réfléchir au chantier et aux travaux à poursuivre ou engager.

Certes dans les repères proposés par E. Morin, des impasses, des à peu près, voir des besoins de confronter des idées. Il y invite. 

Voila un texte aussi court qu'important qui incite à réfléchir en commun :

 

Débat

De l'aspiration à la réalisation démocratique

LEMONDE | 25.04.11 | 13h46

 

Dans la plupart des pays arabes se posent les difficiles problèmes du passage de l'aspiration démocratique à la réalisation démocratique.

Ici, nous devons tenir compte, non tant des leçons de l'histoire, mais des leçons de la réflexion sur l'histoire. La première leçon est que la démocratie a été fragile et temporaire dans l'Europe moderne. En France la Révolution de 1789 a dégénéré en Terreur, puis il y eut Thermidor, puis l'Empire, dont la chute a provoqué la restauration de la royauté ; il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour que s'instaure la IIIe République, que le désastre militaire de juin 1940 a anéantie au profit de Vichy.

Rappelons qu'au XXe siècle le fascisme a détruit la démocratie italienne, que le nazisme a détruit la démocratie allemande ; que le franquisme a détruit la démocratie espagnole, que l'Union soviétique a instauré, jusqu'en 1989, son totalitarisme dans les pays européens qu'elle a asservis.

Mais il faut penser aussi qu'en France, Italie, Espagne, Allemagne, dans les démocraties populaires et en URSS même les idées de 1789 ont régénéré et réinstallé, certes inégalement, la démocratie.

Aussi le printemps arabe de 2011 pourra subir des détournements, des étouffements, des confiscations, mais le message renaîtra et renaîtra : il est devenu une force génératrice et régénératrice de l'histoire (sauf si évidemment l'histoire humaine va vers une catastrophe généralisée).

Principe de liberté

La seconde leçon de l'histoire est celle de l'écologie de l'action susmentionnée ; ainsi des aggravations dictatoriales peuvent provoquer des insurrections révolutionnaires, et des poussées révolutionnaires peuvent déclencher des dictatures réactionnaires, comme ce fut le cas en Espagne, en 1936. Ajoutons que les divisions profondes au sein de la République espagnole entre anarchistes, communistes, libéraux ont contribué à sa défaite.

Dans un sens, le printemps arabe fut une conséquence de l'aggravation des despotismes et de leur mainmise sur les richesses de leurs pays. Mais on peut craindre aussi que le printemps, se divisant, se morcelant et se dispersant puisse susciter une nouvelle réaction.

La troisième leçon de l'histoire est la difficulté de l'enracinement démocratique. Nous venons de l'indiquer pour l'Europe. Il s'agit d'en reconnaître les causes :

1. La démocratie se nourrit de conflits d'idées même si elle n'est pas enracinée dans la conscience des citoyens ; le conflit d'idées peut permettre la victoire d'un parti qui abolit la démocratie (Allemagne, 1933), voire déboucher sur une guerre civile (Espagne, 1936).

2. La démocratie doit tolérer l'expression d'idée antidémocratique, mais pourrait se laisser détruire par un parti antidémocratique ; jusqu'à quel point, jusqu'à quel moment faut-il maintenir la tolérance, compte tenu que le principe "pas de liberté pour les ennemis de la liberté" tend à étouffer la liberté.

3. La démocratie est soumise au jeu concurrentiel des vérités opposées, mais n'a pas d'autre vérité que son principe de liberté, et le suffrage universel n'est pas à l'abri de l'erreur.

4. La démocratie s'étiole sans la participation active des citoyens à la vie politique. En somme, la démocratie est une grande aventure au sein de l'aventure de l'histoire.

Edgar Morin, sociologue et philosophe (Le grand débat)
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